Les frères doivent s'occuper à certains moments au travail des mains
et à d'autres moments à la lecture des choses de Dieu
(Chapitre 48)
Aliéné à l'argent, l'homme de notre temps l'est aussi et par le fait même au travail.
Le travail en soi est à l'honneur de l'homme. Mais, si l'homme devient moyen, rouage, instrument — même perfectionné —, son honneur se perd : la matière l'a dominé.
L'homme n'est pas pour le travail, mais le travail pour l'homme. Sans l'esprit de l'Evangile, les valeurs humaines deviennent folles, perverties, déséquilibrées. La Parole de Dieu équilibre l'homme.
Le travail de l'homme et la Parole de Dieu sont les deux plateaux de notre balance humaine, de notre vie. L'un ne va pas sans l'autre, mais les deux collaborent et se rendent témoignage.
S'il est vrai qu'on n'est soi-même qu'en vivant pour les autres, qu'on ne se réalise qu'en travaillant dans le service aimant, chaque personne est plus que le travail et doit être aimée pour elle-même. Le faible et l'infirme, tous les « inca¬pables », sont les prioritaires de l'amour.
Qui n'estime qu'au rendement a le coeur matérialiste et inhumain. Il sacrifie la personne à son utilité. Il utilise plus qu'il ne sert lui-même. Il contraint et écrase l’homme au lieu de le dilater, de l'épanouir. Le sens hypertrophié du travail fait perdre et tue le sens de la personne, finalement le sens de Dieu.
Le contact de Dieu dans sa Parole est indispensable au travail. Car le travail de l'homme n’est pas d’abord l’œuvre de ses mains, de son corps, mais de son âme. Aussi bien, Dieu, présent à l'âme comme au corps, se veut-il lui-même à l'oeuvre dans le travail de sa créature.
Il est vrai que Dieu s'en remet à l’homme du soin de « cultiver » son aire, et l'aire humaine témoigne étonnament de plus en plus du génie de 1’homme. Mais ce génie donne des signes d'égarement, d’où émane des odeurs de mort avec des vertiges d’anéantissement.
Le travail devient fou sans la Parole, sans l’âme de l'homme. L'Esprit de Dieu reste offert à l’homme pour réanimer son travail, le réorienter — et cela au cœur de chaque travailleur, du plus humble au plus technicien -, pour l'illuminer de la sagesse de Dieu à l’œuvre en toutes nos oeuvres pour l'advenue du Règne.
Dieu fait homme a travaillé comme tous les hommes. Le Verbe s'est fait travail et il le fait encore en nous.
Si la technique fait des merveilles, le travail dans l’amour en est une autre et d'un autre ordre, supérieur. Qui travaille dans l'amour fait le travail de Dieu : il réoriente l’homme et le monde, il les rééquilibre.
Notre équilibre est dans le Christ, travaillant du travail du Père (Jn 5, 17).