5ème Dimanche du Temps Ordinaire année C

Une irrésistible assistance

J’aime la curieuse attitude de Pierre devant le résultat de cette pêche miraculeuse. Il se jette aux genoux de Jésus en lui disant « Éloigne-toi de moi ». Comme c’est contradictoire ! Il aurait été bien plus logique et plus efficace de s’écarter de Jésus… Mais cette attitude dit aussi une grande vérité de Pierre : son attirance indéfectible pour le Maître, quel que soit le péché qui l’habite. Dans l’évangile de Luc, Pierre est le seul, avec la femme qui lave les pieds de Jésus chez Simon le Pharisien (Luc 7) à porter ce titre de « pécheur » et elle, de « pécheresse » ; deux termes que l’on pourrait traduire plus crûment par « Je suis un coupable » et « cette femme était coupable ». Tous deux, pourtant, se jettent aux genoux ou aux pieds de Jésus.
Pierre saisit immédiatement toute la puissance que Jésus exerce sur lui. Dès le début de cette rencontre, la confiance l’a gagné : « Maître, nous avons peiné toute la nuit sans rien prendre, mais sur ta parole, je vais jeter les filets ». Cette confiance paiera. La foi suivra. 
Cette fascination et ce tremblement mélangés feront dire à Jésus : « Sois sans crainte, Pierre ». Il y aura beaucoup d’autres : « N’ayez pas peur ». Ce sera un leitmotiv des Évangiles. 

NE CRAINS PAS
La culpabilité en tant que telle n’est pas une invention des religions. C’est l’une des expériences humaines les plus anciennes et les plus universelles. Même avant l’émergence du sentiment religieux, le sentiment d’avoir « failli » en quelque chose peut être ressenti par les êtres humains. Le problème n’est pas l’expérience de la culpabilité, mais la manière de la traiter.
Il existe une manière saine de ressentir la culpabilité. La personne assume la responsabilité de ses actes, regrette le mal qu’elle a pu causer et s’efforce d’améliorer son comportement à l’avenir. Lorsqu’elle est vécue de cette manière, l’expérience de la culpabilité fait partie de la croissance d’une personne vers la maturité.
Mais il existe aussi des façons malsaines de vivre cette culpabilité. La personne se replie sur son indignité, nourrit des sentiments enfantins de tache et de saleté, détruit l’estime de soi, s’annule. L’individu se tourmente, s’humilie, lutte contre lui-même, mais au bout du compte, il ne se libère pas et ne grandit pas en tant que personne.
L’expérience de la culpabilité, face à Jésus, Dieu qui sauve, Dieu qui est amour et seulement amour apporte au croyant cette volonté de reconnaître qu’il a été infidèle à cet amour. Cela donne à sa culpabilité un poids et une gravité absolus. Mais en même temps à la volonté humaine de reconnaître sa faute, la volonté divine, elle, le libère du péché, car Jésus sait que, même en tant que pécheur, l’homme manquant et manqué est accepté par Dieu : en lui, il peut toujours trouver la miséricorde qui le sauve de toute indignité et de tout échec.
Selon l’histoire, Pierre, accablé par son indignité, se jette aux pieds de Jésus en disant : « Éloigne-toi de moi, Seigneur, car je suis un pécheur ». La réponse de Jésus ne pouvait être différente : « N’aie pas peur », n’aie pas peur d’être pécheur et d’être avec moi. Tel est le destin du croyant : l’homme  se sait pécheur, mais en même temps, il se sait accepté, compris et aimé inconditionnellement par le Dieu révélé en Jésus.
Et au plus fort de l’angoisse, Pierre suivra Jésus. L’évangéliste raconte : « Pierre suivait de loin ». Certes, c’est de loin, mais c’est aussi dire qu’il est impossible de le quitter vraiment.