6ème Dimanche du Temps Ordinaire année C

Prendre les pauvres au sérieux

Habitués à entendre les « béatitudes » telles qu’elles apparaissent dans l’évangile de Matthieu, les chrétiens des pays riches ont du mal à lire le texte de Luc. Il semble que cet évangéliste –et pas mal de ses lecteurs– appartenait à une classe aisée. Cependant, loin d’adoucir le message de Jésus, Luc le présente de manière plus provocatrice.
À côté des « béatitudes » adressées aux pauvres, l’évangéliste rappelle les « malédictions » adressées aux riches : « Heureux êtes-vous,
pauvres… vous qui avez faim… vous qui pleurez».
Mais « malheur à vous qui êtes riches… qui êtes maintenant rassasiés… qui riez maintenant».
L’Évangile ne peut pas être entendu de la même manière par tous. Si pour les pauvres, c’est une Bonne Nouvelle qui les invite à l’espérance,
pour les riches, c’est une menace qui les appelle à la conversion.
Comment écouter ce message dans nos communautés chrétiennes ?
Tout d’abord, Jésus nous place tous devant la réalité la plus saignante du monde, celle qui le fait le plus souffrir, celle qui touche le plus le cœur de Dieu, celle qui est la plus présente devant ses yeux. Une réalité que, depuis les pays riches, nous essayons d’ignorer, couvrant de mille manières l’injustice la plus cruelle, dont nous sommes nous-mêmes largement complices.
Voulons-nous continuer à nourrir notre auto-illusion ou plutôt ouvrir les yeux sur la réalité des pauvres ? Le voulons-nous vraiment ?
Prendrons-nous un jour au sérieux l’immense majorité de ceux qui vivent sous-alimentés et sans dignité, ceux qui n’ont pas de voix et pas de pouvoir, ceux qui ne comptent pas dans notre marche vers le bien-être ?
Les chrétiens n’ont pas encore découvert l’importance des pauvres dans l’histoire du christianisme. Ils nous éclairent mieux que quiconque pour nous situer dans notre propre vérité ; ils secouent notre conscience et nous invitent à la conversion. Ils peuvent nous aider à façonner l’Église de demain de manière plus évangélique. Ils peuvent nous rendre plus humains : davantage capables d’austérité, de solidarité et de générosité.
Le fossé entre les riches et les pauvres ne cesse de se creuser. À l’avenir, il sera de plus en plus difficile de se présenter au monde comme l’Église de Jésus tout en ignorant les plus faibles et les plus démunis de la planète. Soit nous prenons les pauvres au sérieux, soit nous sommes en train d’oublier l’Évangile. Dans les pays riches, nous aurons de plus en plus de mal à entendre l’avertissement de Jésus : «Vous ne pouvez pas servir Dieu et l’argent».
Cela deviendra insupportable pour nous.